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La nouvelle St. Brigid

L’église catholique St. Brigid, Ottawa

Photo: L’église catholique St. Brigid, Ottawa

L’église catholique St. Brigid, Ottawa

Photo: L’église catholique St. Brigid, Ottawa

By

Michael Vidoni

Buildings and architecture

Published Date: Feb 12, 2009

L’église catholique St. Brigid d’Ottawa est entrée dans une nouvelle ère. Depuis presque 120 ans, elle se dresse au cœur d’un quartier divers et dynamique, non loin de la Colline du Parlement. Ses bâtisseurs, ses ministres et ses paroissiens étaient issus des familles d’immigrants qui occupaient les logements de la Basse-ville et travaillaient dans les usines appartenant à l’élite protestante de la Haute-ville au pouvoir. La propriété de l’église passant désormais des mains du diocèse à celles d’un groupe de passionnés de culture, le nouveau St. Brigid’s Centre for the Arts and Humanities attirera les multitudes de jeunes d’Ottawa, branchés et aisés qui s’installent dans ce secteur aujourd’hui si hétérogène.

Le diocèse catholique de la ville d’Ottawa (alors appelée Bytown) fut établi par le pape Pie IX en 1847 pour répondre aux besoins de la population croissante de Canadiens français et d’Irlandais dont beaucoup avaient immigré dans la région pour travailler comme ouvriers sur le canal Rideau. En 1853, la Cathédrale Notre Dame fut consacrée. Elle devint le principal lieu de culte de la ville. D’autres paroisses furent établies dans la Haute-ville et deux églises francophones furent construites à proximité de la cathédrale. En 1888, l’archevêque Duhamel accepta que les paroissiens anglophones se séparent de la cathédrale pour créer la paroisse St. Brigid non loin de là.

L’église de style néo-roman conçue par James R. Bowes, originaire d’Ottawa, associe de nombreux styles, comme cela se faisait souvent à la fin de l’ère victorienne. L’église fut bâtie à partir de gros blocs de calcaire, et non avec une maçonnerie plus sophistiquée, ce qui reflète la modestie des moyens dont bénéficiait la paroisse. Il semble pertinent d’avoir consacré le monument à St. Brigid, patronne d’Irlande, car l’extérieur sobre du bâtiment rappelle les églises fortifiées de ce pays.

L’intérieur est quant à lui un modèle de contrastes. D’un côté, l’agencement est simple. La nef est divisée en trois parties, deux allées latérales entourant une allée centrale. De l’autre, les plafonds des allées latérales présentent des voûtes en éventails uniques, peintes et ornées de suspensions. De généreux bancs en frêne et noyer sculptés accueillent les paroissiens, et des retables soigneusement peints décorent le chœur. Orme & Sons de Montréal installèrent les magnifiques vitraux chargés de symboles. Des motifs irlandais, tels que la harpe et le trèfle, parent les tuyaux dorés du gigantesque orgue Casavant de 1910 installé dans la galerie du chœur.

Le véritable trésor de St. Brigid est cependant arrivé plus tard dans son histoire. En 1908, un programme ambitieux de peinture intérieure fut entrepris par Toussaint-Xenophon Renaud. La carrière de ce peintre québécois était prolifique : il a peint environ 200 intérieurs ecclésiastiques à travers le Québec et la vallée de l’Outaouais. Des peintures murales de la Nativité et de la Descente de la Croix, ou encore des représentations de l’Immaculée Conception et de Saint-Joseph décorent désormais l’église. Toussaint-Xenophon Renaud décora également les colonnes de bois pour qu’elles ressemblent à du marbre et utilisa intensivement la polychromie, le pochoir et la dorure. Tout l’intérieur a été blanchi à la chaux dans les années 1960, et seules les peintures murales surplombant l’autel principal et les autels latéraux ont été restaurées.

L’église devint rapidement un lieu de rassemblement pour la population irlandaise locale. Jusqu’en 1895, les Christian Brothers assuraient l’éducation des jeunes garçons, pendant que les Sœurs grises faisaient de même pour les filles. Au moment de son 50e anniversaire en 1939, la paroisse animait de nombreuses activités, y compris des chorales, des groupes d’aide sociale et des équipes sportives. La Society of St. Jerome cousait des vêtements pour les indigents et la St. Brigid’s Young Men’s Association faisait jouer des équipes de hockey, de football, d’athlétisme, de crosse et de base-ball. Les anciens membres éminents de la Ligue nationale de hockey Alex Connell, Edwin Gorman et King Clancy ont affûté leur savoir-faire dans ces équipes.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, les données démographiques de St. Brigid ont évolué. Ces dernières années, l’archidiocèse d’Ottawa, propriétaire de l’église, a entrepris, comme beaucoup d’autres diocèses ontariens, la rationalisation de ses biens. En avril 2006, l’archevêque Marcel Gervais a annoncé la fermeture de St. Brigid en raison de la forte hausse des coûts liés à l’entretien de ce bâtiment vieillissant. En septembre 2007, une dernière messe a été célébrée dans l’église qui fut ensuite sécularisée.

En octobre de la même année, l’édifice a été acheté par un organisme sans but lucratif pour être converti en espace culturel. Le bâtiment est protégé par une désignation municipale et par une servitude protectrice provinciale : les éléments qui font de St. Brigid un bâtiment aussi important seront conservés. Rebaptisée St. Brigid’s Centre for the Arts and Humanities, elle abrite le National Irish Canadian Cultural Centre. Ses nouveaux propriétaires remplissent son calendrier d’événements à la fois ciblés sur l’Irlande et interculturels. Même si son objet religieux a disparu, l’importance sociale de ce monument reste plus forte que jamais. St. Brigid continue à satisfaire les besoins culturels variés de la nouvelle Ville-basse.